L'EAU A BORD #1

Les températures exceptionnelles de cette dernière saison estivale en Europe, responsables d’importantes pénuries d’eau dans nos régions où son accès pose habituellement peu de problèmes, et la hausse constante du nombre de pays en situation de stress hydrique, révèle bien la nécessité de la question des réserves d’eau et de son traitement. Si la recherche et le développement axent leurs travaux vers “plus d’autonomie pour moins d’énergie”, et que les marins ont toujours plus d’un tour dans leur sac, les besoins en eau sont importants et les solutions d’économie hors restriction peu nombreuses encore. Produire son eau à bord est énergivore et la consommation d’énergie étant le premier frein à l’autonomie en mer, il est primordial de savoir évaluer son besoin...

ÉVALUER LE BESOIN
Lorsque que l’on part en mer, la question des réserves en eau, qu’il s’agisse d’autonomie et/ou de sécurité, est un point incontournable qu’il est nécessaire d’évaluer. Pour cela, on peut établir un calcul journalier selon les notions de temps et de distances. On ajoutera à cette notion celle du confort et de la fréquence d’utilisation du navire pour adapter au mieux son équipement.

L’eau en bouteille, un élément de sécurité avant tout. L’european food safety authority recommandait en 2010, une consommation journalière d’eau pour les femmes à 2 litres et de 2,5 litres pour les hommes. Ce besoin en eau potable définira le nombre de bouteilles de survie à embarquer en cas d'évacuation du bord. Pour les navigations côtières, on comptera en moyenne 24 heures pour attendre les secours et une bouteille d’eau par personne. Soit, un pack d’eau pour 6 personnes embarquées. En hauturier, au large, on peut imaginer que l’opération de secours dure plus de 48h. On prendra un pack par personne si l’on ne possède pas de dessalinisateur à main dans son matériel de survie. Si l’on veut diminuer au maximum sa consommation de plastique, on optera pour un jerrican d’eau d’une trentaine de litres stockée uniquement pour la survie en cas d’évacuation. On peut aussi trouver dans le commerce des bidons d’eau en fontaine de 5 litres.

Le besoin en eau lié au confort. Hors dispositif de survie, il se calcule sur les postes suivants : l’eau fraîche prête à boire, celle pour la cuisine, celle pour l'hygiène personnelle et enfin, celle pour le nettoyage du bord. Horsmis l’eau à boire dont nous venons de définir le besoin, ces trois autres données sont variables selon le confort souhaité.
En effet, pour une croisière confortable (dans le cadre d’une activité commerciale de charter par exemple) et sans restriction, on évalue un besoin en eau de 70-80 litres par personne et par jour. Dans un contexte hauturier un peu plus restrictif d’un navire de plaisance, avec à son bord des marins plus avisés sur l’économie d’eau, on peut imaginer une consommation journalière à 25l/personne ; cette moyenne descend à 5l/personne dans un contexte de course au large ou de performance.
Les différences de consommation sont telles que l’on n'équipera pas de la même manière un bateau destiné à la plaisance de loisir dont les moyennes de sorties sont estimées à 3 semaines par an en France, ou un bateau sur lequel on souhaite vivre et voyager autour du monde. Il en va de même si le bateau est destiné à une activité commerciale proposant des prestations de croisière plus ou moins haut-de-gamme.

LES RESSOURCES EN EAU
Les ressources en eau se présentent sous quatre principales formes. L’eau en bouteille, qu’il est conseillé d’acheter et de stocker pour des questions de sécurité évoquées ci-dessus. On trouvera également l’eau du quai dans les ports qui, stockée dans les réservoirs, pourrait suffire pour du cabotage, à condition qu’elle soit traitée. Dans ce cas, pas de déssalinisateur nécessaire à bord, mais une capacité de stockage assez importante. Enfin, restreint par les éléments, le marin a toujours su inventer différents systèmes de récupération d’eau de pluie pouvant être conçus facilement à bord.

Demandez à un marin au long cours s'il récupère l’eau de pluie. Sans beaucoup de suspens… la réponse est « oui » dans 99,9% des cas. On verra le plus souvent, un système de taud placé en entonnoir et suspendu au Gréement, équipé d’un tuyau en son centre et relié directement à un bidon de récupération. S'il est équipé d’un système de filtration, l’eau pourra être stockée directement dans les cuves.
C’est bien chez les voyageurs en plaisance que l’on peut trouver le plus de « bricolages » pour la récupération d’eau de pluie. Au mouillage, toutes les surfaces planes un peu inclinées, types roof ou panneaux solaires, peuvent être sujets à de la récupération d’eau. Des systèmes de gouttières ont été pensés par beaucoup et ont même inspiré certains constructeurs qui intègrent maintenant des gouttières directement dans le moule du roof à la construction. En navigation, l’eau ruisselant sur une grande voile dans un grain tropical et récupérée par la bôme peut avoir un rendement très élevé et est encore un exemple d’économie possible.
Néanmoins, même si elle est récupérée de la manière la plus naturelle qu’il soit, l’eau doit être filtrée et traitée pour être stockée la plus pure possible dans les réservoirs, afin d’éviter sa contamination et préserver le circuit.

Chez ces mêmes marins, et toujours à des fins d’économies, on trouvera en parallèle du circuit d’eau douce, un circuit d’eau de mer avec un robinet présent le plus souvent dans l’évier de la cuisine. Il permettra encore quelques économies, comme la vaisselle à l’eau de mer avant rinçage à l’eau douce. On trouvera généralement une seconde arrivée d’eau de mer sur le pont.

Le déssalinisateur d’eau de mer par le principe d’osmose inversée, bien qu’il soit le plus énergivore, reste néanmoins le meilleur outil d’autonomie en eau à bord. Destiné à une utilisation régulière, on s’équipera d’un déssalinisateur pour un navire en croisière régulière, plutôt au long cours et dont les nuits au port seront occasionnelles.
Pour synthétiser ce type d'équipement, un déssalinisateur peut produire, selon les modèles, entre 50 et 250 litres/heure. Située au cœur du processus d’osmose, la pompe haute pression consomme énormément d’énergie. Elle nécessite pour certains types de déssalinisateurs, une alimentation 220V obligeant le plus souvent l’embarquement d’un groupe électrogène (donc du poids supplémentaire et une autre source de consommation).
Maintenant, et grâce au développement de pompes à récupération d'énergie, il existe un système de piston qui récupère l'énergie de la saumure sous pression pour la retransmettre à la pompe haute pression avant d'être rejetée. Il permet d’élever la pression de quatre bars à une soixantaine de bars requis pour la membrane, pour une consommation électrique divisée quasi par deux et une alimentation possible sur le circuit 24 volt.
Enfin, pour garantir son bon fonctionnement, le déssalinisateur nécessite un usage régulier et demande un entretien minutieux. Même s'il représente un rendement assez convaincant, il ne coïncide pas réellement avec le désir d’autonomie puisque qu’il nécessite du gazole.

CAS PRATIQUE

Concrètement, dans le cas d’une croisière d’une semaine à 6 personnes sur un navire dont la capacité de réserve en eau est de 600 litres, on aura besoin de 480 litres d’eau par jour. Soit environ 3h de déssalinisateur par jour (pour une production à 150l/h) avec un besoin en énergie conséquent (3h). Dans ces conditions, on sera équipé d’une génératrice. En restreignant mes besoins à une quarantaine de litres d’eau par jour, on consommera 240 litres d’eau. On peut alors imaginer pour le même matériel ne faire que 2h de déssalinisateur par jour (s'il est attelé au moteur cela peut se faire lors des navigations du jour). Avec cette dernière option de consommation, réduite à 40 litres, on peut aussi opter pour un modèle de déssalinisateur moins énergivore fonctionnant en 12 ou 24 volts avec un ampérage moindre. Par contre, on aura besoin de 8h de déssalinisateur. Fonctionnant sur le courant continu du bord, il faut alors évaluer la puissance du parc batterie. A quatre convives, le besoin en eau descendra à environ 5h de déssalinisateur.

Retenons donc que; 
- Selon les besoins du bord, nous consommons a minima une quinzaine de litres d’eau, pouvant aller sur les plus grosses unités jusqu’à 80 litres par jour et par personne. 
- Que le type de navigation et le niveau de confort souhaité définira la capacité desréservoirs et la présence ou non d’un déssalinisateur.Selon le rendement de ce dernier, on pourra choisir d’installer ou non, un groupe électrogène. 
- Enfin et surtout, qu’il existe toujours des moyens d’économiser l’eau à bord.

Et vous ? Connaissez-vous votre consommation journalière ? Quelle solution avez-vous choisie pour votre bord ? Avez-vous déjà récupéré l’eau de pluie ? Utilisez-vous l’eau de mer à bord ?